jeudi 14 novembre 2013

Bretagne, territoire d'excellence en matière d'égalité professionnelle : de l'intérêt de prendre en compte le genre dans les actions de reclassement des ex-salarié-es de Doux

Conférence de presse  au Ministère des droits des femmes - Présentation de l'expérimentation menée par la Région Bretagne auprès des ex-salarié-es du groupe Doux - 12 novembre 2013



Dans le contexte actuel de la Bretagne, je ne peux que saluer la convention « régions d'excellence en matière d'égalité professionnelle », passée entre le Ministère des droits des femmes et le Conseil Régional de Bretagne. Ce dispositif n'a pas vocation a répondre à l'ensemble des problématiques aujourd'hui posées à notre région, mais il contribue à sa manière, à apporter des éléments de réponse de progrès à la situation faite aux femmes en Bretagne.

En novembre 2012, la sollicitation du Ministère à conduire des expérimentations dans le champ de l'égalité professionnelle arrivait dans un contexte déjà difficile pour les salariées de l'agro-alimentaire. L'entreprise Doux annonçait une vague de licenciements importante dans ses différents sites, principalement en Bretagne. La volonté de la Région Bretagne a été immédiate : saisir cette possibilité en étant avant tout utile aux femmes de Bretagne pour améliorer au quotidien l'égalité des droits entre les femmes et les hommes.

La région s'est engagée à innover en faveur des femmes et des hommes ex-salarié-es de chez Doux, en interrogeant l'approche classique du reclassement des salarié-es. L'expérimentation porte sur les 3 sites de production du Morbihan (Pleucadeuc, Sérent et La Vraie Croix).

L'approche classique de l'aide au reclassement reste dans une acception indifférenciée des situations des femmes et des hommes. Or, le neutre n'existe pas. Ou autrement dit, lorsque l'approche est dite neutre elle crée de fait une discrimination à l'égard des femmes, puisque de manière générale, c'est le masculin qui l'emporte encore.

La démarche innovante initiée par le Conseil Régional de Bretagne repose sur 3 enjeux :
  • Travailler avec les acteurs institutionnels présents sur le territoire (Pôle emploi, Catalys conseil, Opcalia, ...), à une approche genrée des situations afin d'ouvrir aux femmes licenciées la possibilité réelle d'intégrer toute la palette des métiers. En moyenne, les femmes se concentrent sur 5 grandes familles de métiers (le social, les services à la personne, l'éducation, l'hôtellerie-restauration et la santé) contre presqu'une trentaine de familles de métiers pour les hommes. 
  • Proposer une approche globale de leur situation : pour retrouver un emploi ou partir en formation, il est indispensable de mesurer que repose encore sur la plupart d'entre elles la gestion des situations familiales (garde d'enfants, ...). Se pose également pour elles de manière plus accrue que pour les hommes, la questions des déplacements et des transports. Lorsque le ménage dispose d'une voiture, l'utilisateur premier reste le plus souvent l'homme. 

  • Rassembler sur le territoire concerné l'ensemble des acteurs pour élaborer en complémentarité les uns des autres, des propositions à partir du souhait des ex-salariées. Le retour vers l'emploi est avant tout une affaire de proximité et de territoire. En Bretagne, 90 % des entreprises sont des PME et des TPE, ce sont elles qui créent de l'emploi. L'enjeu est bien de nouer des liens à cette échelle, par la mobilisation des réseaux d'employeurs (Opcalia, …), par l'implication forte des communautés de communes, par la mobilisation des réseaux personnels et collectifs des femmes.

Pour mener à bien cette expérimentation, la Région Bretagne a mobilisé les membres de son réseau du Conseil pour l'Egalité en Bretagne (réunissant plus de 600 membres), et confié la mise en oeuvre de l'accompagnement genré des ex-salariées au cabinet Perfégal et à l'association Entreprendre au Féminin Bretagne.

Et tout ceci relève bien d'une innovation, puisque ces pratiques ne sont pas encore intégrées, il persiste aujourd'hui une absence totale de statistiques sexuées sur les licenciements collectifs

Après 6 mois de travail sur le territoire, les premiers enseignements viennent confirmer les hypothèses de départ.
  •  Malgré de nombreuses lois sur l'égalité professionnelle, sur l'obligation de statistiques sexuées et de bilans sociaux sexués, de rapports de situation comparée,… aucun des acteurs ne disposait de statistiques sexuées, qu'il s'agisse de l'employeur ou des institutions gérant le reclassement
 
  • Désormais nous le savons, parmi les 422 ex-salariés de chez Doux, 66 % sont des femmes. 64 % d'entre elles ont plus de 50 ans, pour 48 % des hommes. 84 % d'entre elles sont ouvrières ou employées, pour 59 % des hommes. Début juin 2013, 12 % des femmes sont en CDD ou CDI, pour 25 % des hommes. 31 % des femmes sont en formation pour 11,26 % des hommes. Ces informations sont capitales, car on ne reclasse pas de la même façon les ouvrier-es et les cadres. A la lecture de ces simples chiffres, on peut comprendre que les attentes des femmes et des hommes ne sont pas identiques, ni uniformes. Pour mener à bien une politique publique d'aide au reclassement la prise en compte de ces données sexuées est donc fondamentale

  • Autre élément, malgré les freins importants rencontrés par les femmes elles mêmes, subissant de plein fouet la déqualification, la dévalorisation, le sentiment d'isolement, le regard défavorable d'entreprises du territoire, l'idée encore véhiculée que ce serait moins grave pour une femme de perdre son emploi, ou autres stéréotypes liés à l'âge, au bout de 6 mois d'actions sur le terrain, ce sont 103 femmes parmi les 280 et 6 hommes qui ont été rencontrés au travers des actions individuelles et collectives mises en place. Des projets émergent, les paroles aussi : « on a envie de s'en sortir », « on apprécie une action sur laquelle on n'est pas jugé », ….



Cette innovation ce poursuivra tout au long de l'année 2014, elle appellera de nouveaux enseignements mais d'ores et déjà, elle démontre que l'inégalité entre les femmes et les hommes n'est pas une fatalité, que l'approche genrée est indispensable pour mener des politiques publiques répondant aux attentes des populations. La mise en commun, l'être-ensemble, la proposition de démarches collectives restent la meilleure réponse aux défis posés à la Bretagne et à ses salarié-es.

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